27 rue Saint-Rafael

[Jeanne Auvray]

Cette ancienne savonnerie est le loft dans lequel habitent Jeanne Auvray et son mari, Gaël Rousselle, depuis près de 15 ans. Ils y ont fait grandir leurs deux enfants Théo et Alice. C'est ici que Jeanne organise avec son cercle d'amis des apéritifs réputés dans tout le quartier. Il est vrai que ces mojitos sont appréciés des convives.



Elle y accueille également ses clients, principalement des ONG. Jeanne est avocate spécialisée en droits de l'Homme. C'est à un gala d'une ONG pour laquelle elle travaillait qu'elle rencontra Gaël. Un ancien diplomate devenu lobbyiste pour des ONG environnementales. Décrit par la presse locale comme un "couple d'intellectuels sans doute cliché", ils sont également impliqué dans la vie locale. Engagés entant que parents d'élèves dans les écoles publiques où ont étudié leurs enfants, ils sont également bienfaiteurs pour la préservation du patrimoine municipal et soutiens indéfectibles des acteurs culturels.

[Jeanne Auvray]

Ce dimanche s'annonçait être une longue journée pour Jeanne Auvray, elle devait se rendre au Sommet Annuel de la Fondation pour la Justice. C'est le première événement qu'elle devait présider depuis son élection à la tête de l'organisation. Elle se leva tôt pour finaliser le discours qu'elle allait prononcer. Son mari la rejoignit à la bibliothèque.

- Ne t'en fais pas mon cœur, je suis certain que tu vas les scotcher.

- Je fais tout pour en tous cas...

Son mari lui tend une tasse de café.

- Tu vas en avoir besoin pour tenir.

- C'est gentil. Il faudrait que tu me fasses penser à appeler mon cabinet demain. Je vais sûrement ne pas pouvoir y passer la semaine prochaine. Des associations et des chercheurs souhaitent que je vienne à leur rencontre à Izirgua. Ils m'ont envoyé de la documentation sur les météotsunamis, je l'ai survolé et c'est super intéressant.

- Ah oui, j'ai un collègue qui travaille dessus en ce moment. Je peux appeler ton cabinet demain matin si tu veux. Je vais préparer le petit-déjeuner des enfants. Je te laisse finir ton discours.

Gaël alla à la cuisine pendant que Jeanne se rendit sur le balcon et alluma une cigarette.

- Je pense avoir trouvé là où je serai utile,dit-elle en soupirant.

[Jeanne Auvray]

Cela faisait plusieurs jours que Jeanne n'était pas rentrée chez elle. Entre sa nomination au cabinet du ministre de la défense et des affaire étrangères, son départ pour la COP26 et son agenda politique personnelle : elle le comprenait, elle aurait moins de temps pour sa famille.

- Comment vas-tu mon amour ? lui demanda son mari

- Je suis exténuée. Jeanne se laissa tomber dans le sofa. Cette COP fût un enfer, je suis partagée entre la colère et la frustration...

- Tu as fait de ton mieux, il n'y plus qu'à espérer maintenant que le gouvernement frôceux prenne des décisions courageuses. Et je sais que tu feras tout pour.

- Il le faut, même si ce n'est pas la priorité de FTLC.

- Et au parti, comment ça se passe ?

- Je vais sans doute devoir me parachuter dans une autre métropole afin d'avoir rapidement des responsabilités locales. Gaël, j'ai aussi pris la décision de me porter candidate à la présidence du RDH...

Gaël laissa tomber le plat qu'il était en train de laver dans l'évier. Il se brisa.

- Tu aurais dû m'en parler ! On ne se voit déjà plus et tu m'annonces aujourd'hui qu'à l'avenir ce sera pire... J'avais prévu de passer la fin du mois chez mes parents avec les enfants, je pensais que tu pouvais y passer avec nous. J'imagine que l'on peut partir sans toi.

Gaël quitte la cuisine pour se rendre dans sa chambre afin de finir les valises. Jeanne, elle, ôta ses chaussures et se rendit dans la salle de bain.

[Jeanne Auvray]

Cela faisait plusieurs semaines maintenant que Jeanne faisait régulièrement l'aller-retour entre Casarastra et Sant Frocia. Entre le siège de la métropole dont elle est présidente et sa maison qui était maintenant vide, inhabitée. L'absence de son mari et des ses enfants était sans doute ce qu'il y avait de plus pesant. Elle ne dormait plus dans le lit conjugal et n'occupait plus que le salon et la bibliothèque. Elle ne pleurait plus, sans doute parce que les moments où elle se retrouvait seule était de plus en plus rare.

A peine rentrée chez elle, elle n'eut le temps de s'asseoir que son équipe entra dans l'appartement. Faire le point sur l'agenda, signer des parapheurs et valider des communications voilà ce qui remplaça en ses lieux les rires, la joie et la tendresse.

Jeanne s'isola quelques temps dans la salle de bain, se regarda dans le miroir : "Et ce que cela mérite tout ces sacrifices ?"